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Donneur de sperme non reconnu comme père
Louise Leduc
La Presse
La Cour supérieure vient de rejeter la requête d'un donneur de sperme qui réclamait qu'on reconnaisse sa paternité.
Dans sa décision, le juge René Hurtubise rappelle ce que sont un père et une mère. Au sens de la loi, signale-t-il, le père et la mère « ont, à l'égard de l'enfant, le droit et le devoir de garde, de surveillance et d'éducation. Ils doivent nourrir et entretenir leur enfant ».
À son avis, cette définition ne correspond pas au donneur de sperme qu'il avait devant lui.
Voyons l'affaire. Deux femmes lesbiennes font vie commune depuis 1996 et ont trois enfants, tous conçus par procréation assistée grâce à deux donneurs différents.
C'est l'un de ces deux donneurs qui s'est adressé aux tribunaux. Selon la version des deux femmes, cet homme, un de leurs amis, avait offert de contribuer à leur projet parental. Sans relation sexuelle, mais grâce à un don de sperme.
Avant d'aller de l'avant, les deux femmes avaient d'abord voulu s'assurer qu'elles seules seraient les parents de l'enfant à naître. Leur ami, disent-elles, n'aurait manifesté que le souhait suivant: « Je veux juste la voir une fois quand elle grandira. »
Le 17 juillet 1999, un document est signé, confirmant que le donneur de sperme cède à ses amies toute responsabilité quant aux résultats de la grossesse entamée.
Devant le tribunal, le donneur de sperme allègue qu'il a pu voir l'enfant sur demande à plusieurs reprises depuis sa naissance, mais que les deux femmes ne le lui permettent plus depuis janvier 2003.
Vu « l'âge tendre » de la fillette, le juge doute qu'elle ait considéré le donneur de sperme comme son père. « Il est difficile de savoir comment elle a traité monsieur O., mais peut-on sérieusement retenir que monsieur O., qui a renoncé à toute responsabilité à son endroit alors que la mère biologique les a toutes assumées, a traité A comme un père? »
Le requérant n'avait jamais jusque-là réclamé d'être considéré comme le père et il n'a jamais agi comme tel, selon le juge.
Dans la mesure où les deux femmes ont accepté l'offre de monsieur O., qui désirait voir grandir l'enfant, le juge écrit: « Peut-être trouveront-elles un accommodement qui sache répondre à ce voeu, d'autant que le don de sperme ne provenait pas d'une banque de donneurs anonymes, mais d'un individu identifié qui a posé le geste à titre d'ami? »
Simple suggestion, cependant. « L'avenir révélera si la nouvelle législation efface chez tous les enfants nés d'un projet parental avec procréation assistée, même sans relation sexuelle, le besoin de connaître son origine biologique. »
En l'état actuel des choses, le juge Hurtubise conclut que le donneur de sperme ne peut réclamer aucun lien de filiation.