L'abbé Pierre est mort
PARIS (AFP), 08:06
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L'Abbé Pierre à son domicile, le 03 août 2005 à AlfortvilleL'abbé Pierre, fondateur des compagnons d'Emmaüs, résistant et ancien député, est décédé lundi à 05H25 à l'âge de 94 ans à l'hôpital parisien du Val-de-Grâce où il était hospitalisé depuis une semaine, a annoncé le président d'Emmaüs France, Martin Hirsch.
"L'abbé Pierre est mort cette nuit à 5H25 au Val de Grâce entouré de quelques proches", a indiqué Martin Hirsch. "L'infection pulmonaire pour laquelle il avait été hospitalisé après une amélioration tout au long de la semaine l'a finalement emporté".
L'abbé Pierre, de son nom Henri Grouès, était hospitalisé depuis le 14 janvier. Il avait fondé la première communauté Emmaüs en 1949. En février 1954, il lança un appel resté célèbre sur les ondes de Radio-Luxembourg en faveur des sans-abri. Il fut longtemps la personnalité préférée des Français.
Le président Jacques Chirac s'est dit lundi matin "bouleversé" d'apprendre son décès estimant que "c'est toute la France qui est touchée au coeur". "Le président de la République est bouleversé d'apprendre le décès de l'abbé Pierre, pour lequel il éprouvait un immense respect et une profonde affection", a indiqué l'Elysée dans un communiqué.
L'abbé Pierre, de santé fragile du fait de ses 94 ans, vivait à Alfortville (Val-de-Marne) et faisait des contrôles de santé de plus en plus fréquemment. "Il était prévu que l'abbé Pierre soit hospitalisé pour un bilan de santé" mais son admission le 14 janvier au Val de Grâce avait été anticipée du fait d'"une petite infection", avait alors déclaré Martin Hirsch.
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L'Abbé Pierre à son arrivée en 1954 à l'Elysée à ParisL'abbé Pierre fut pendant un demi siècle l'infatigable et l'efficace pèlerin des démunis, des sans-toit et des sans-droits, un sacerdoce qui lui valut le soutien et l'admiration constants des Français. Le curé des pauvres restera dans le souvenir de ses contemporains cette frêle silhouette drapée dans sa soutane ou son long manteau noir, portant béret, canne et godillots. Le visage émacié à la barbe grise, il frappait par son regard brûlant, son espièglerie et sa véhémence convaincante.
Mystique, il choisit dès l'enfance son destin et son combat : la lutte contre la pauvreté. A 18 ans, il distribue son patrimoine hérité d'un père "soyeux" lyonnais à des oeuvres charitables et rejoint les Capucins, le plus pauvre des ordres mendiants. Résistant actif sous l'Occupation - où il adopte son pseudonyme - il choisit la politique à la Libération et est élu député chrétien-démocrate (MRP) de Meurthe-et-Moselle, jusqu'à sa démission en 1951. Il consacre ses indemnités parlementaires au financement des premières cités d'urgence.
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L'Abbé Pierre au milieu d'une famille de sans-abris, le 02 février 1954 à ParisEn 1949, il a l'idée de génie de créer la communauté Emmaüs fondée sur le principe de demander aux exclus de pourvoir eux-mêmes à leurs besoins en récoltant les surplus des nantis, rompant ainsi avec la charité traditionnelle. Hiver 1954 : Une femme meurt de froid dans la rue. L'abbé lance un appel pathétique en faveur des sans-abri sur les ondes de Radio-Luxembourg qui suscite un gigantesque élan de solidarité. Le religieux comprend alors le poids des médias.
Sa vie n'est que fidélité à son action contre "le chancre de la pauvreté" et à sa méthode, les "coups de gueule" par voie de presse. "Les médias existent, il serait idiot de ne pas les utiliser", dit-il un jour avec candeur. Il aurait pu tenir le même raisonnement à propos des hommes politiques, qu'il bousculait, de quelque bord qu'ils soient, refusant toute récupération.
Revenu sur le devant la scène dans les années 80, il soutient Coluche et ses "Restaurants du coeur", martelant qu'"avoir faim à Paris est intolérable".
En 1994, quarante ans après son premier cri pour les sans-logis, l'abbé lance un nouvel appel, dirigeant sa colère non plus sur l'Etat, mais sur les maires des grandes villes, coupables d'impéritie en matière de logement des plus démunis. Tenace, il recommence en 2004. Toujours "sur le terrain", l'abbé soutient les occupations d'immeubles vides par les militant de l'association Droit au logement (DAL) ou par les Africains expulsés de l'église Saint-Ambroise à Paris en 1996.
Promu Grand officier de la Légion d'Honneur en 1992, il repousse cette distinction avec fracas - il ne l'acceptera qu'en 2001 - pour protester contre le refus du gouvernement d'attribuer des logements vides aux sans-logis, coup d'éclat qui contribue à faire appliquer la loi de réquisition.
Aucune souffrance ne le laissait indifférent : en 1993, il écrit au président Mitterrand pour réclamer une intervention militaire en Bosnie-Herzégovine, où, dit-il, "les limites du crime sont dépassées".
Trois ans plus tard, il provoque le désarroi chez ses proches en apportant son soutien au philosophe Roger Garaudy, auteur d'un livre révisionniste. Puis il s'explique et se repent.
Au soir de sa vie, le prêtre chiffonnier évoquait la mort comme "une impatience" : "La mort, c'est la sortie de l'ombre. J'en ai envie. Toute ma vie, j'ai souhaité mourir"
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