lu sur http://www.linternaute.com/femmes/itvw/06/09-sophie-gamelin.shtml
"Osez choisir votre accouchement"
Sophie Gamelin-Lavois est consultante en périnatalité. Fondatrice de l'Alliance francophone pour l'accouchement respecté, elle ne cesse de répandre la bonne nouvelle : vous pouvez accoucher comme vous voulez ! (01/09/2006)
Que signifie le sous-titre de votre dernier ouvrage "faire un projet de naissance" ?
Sophie Gamelin-Lavois C'est prendre le temps de réfléchir, de s'informer, de débattre sur les pratiques de l'accouchement pour mieux définir ses désirs et pouvoir les assouvir au "moment M". Les parents manquent d'information sur les différentes manières d'accoucher. Et pourtant, les mamans peuvent troquer la blouse contre leur chemise préférée, se promener pendant le travail, accoucher debout avec la sage-femme qui les a suivies, câliner leur nourrisson avant qu'il ne soit lavé et habillé... Ils ne savent pas non plus qu'ils ont le droit de refuser les pratiques de routine que sont, par exemple, la pose systématique et en continu du monitoring, les touchers vaginaux, la perfusion, la péridurale, la position allongée...
Pourquoi y a-t-il aujourd'hui une telle uniformisation des pratiques de l'accouchement ?
Plusieurs facteurs entrent en ligne de compte. L'avènement de la péridurale et du monitoring dans les années 1980 a initié la "surmédicalisation" de l'accouchement. Puis la loi Kouchner de 2002, qui réaffirme le devoir d'information des patients, a provoqué un réflexe de précaution de la part du corps médical qui préfère déployer le maximum de moyens plutôt que d'essuyer des critiques en cas de problème. Le manque d'effectifs et donc l'accompagnement moins humain, plus technique, plus rationalisé, a achevé cette systématisation.Plus le souci de rentabilité et de risque zéro s'accroît, plus les actes se multplient et ce n'est évidemment pas sans conséquence !
Quels genres de risques prennent les femmes qui accouchent sur le "modèle classique" ?
Il sont nombreux.On peut citer entre autre que sonder le nouveau-né pour dégager ses voies respiratoires de manière systématique peut perturber ses réflexes de succion et donc la mise au sein. Mais aussi qu'en voulant accélérer le travail avec des injections de Syntocinon® on augmente les douleurs des contractions et on dope la demande de péridurales (qui n'étaient pas forcément désirées par les femmes au départ). Sans compter que nombre d'entre elles sombrent dans de graves dépressions après la naissance car elles se sont senties dépossédées de l'accouchement, incapables d'enfanter sans l'aide de blouses blanches et d'appareils électroniques. Elles sont aussi déçues de ne pas avoir senti le bébé sortir, de n'avoir rien décidé et d'avoir accepté des pratiques dans la panique sans vraiment en connaître les suites. Certaines restent soucieuses, car depuis l'épisiotomie leurs relations sexuelles se passent moins bien...
Quand et comment formuler son projet de naissance ?
Tout d'abord les femmes doivent s'informer en consultant leurs droits et en choisissant leur maternité. Il suffit de contacter les différents centres pour connaître les pratiques, visiter les chambres, rencontrer le personnel médical. Discuter de ses projets avec d'autres mamans amies, rencontrées sur des forums ou au sein d'associations, avec son conjoint et bien sûr son médecin. Bref, il s'agit de s'investir dans cette naissance. Les femmes peuvent ensuite rédiger leur projet et le joindre à leur dossier médical afin de clarifier leurs opinions sur chaque point. Mais rien ne remplace un dialogue mené sur plusieurs mois.
Les choix des femmes sont-ils respectés ?
Tout dépend du lieu de naissance et du personnel médical présent le jour J. A savoir : les soignants ne connaîtront pas le projet de naissance par coeur il faudra donc leur rappeler certains détails à chaud, improviser en fonction de la situation. Le futur papa, en général plus disposé à discuter que sa femme à cet instant, peut jouer ce rôle. Si les choix sont raisonnables et fermement (mais poliment !) signalés, il n'y a pas de raison qu'on les refuse ou que le débat s'envenime. Et ce, surtout si la maman s'est un minimum renseignée sur la philosophie de l'établissement. En cas de complications importantes, les praticiens peuvent évidemment être amenés à refuser certaines requêtes pour assurer le bon déroulement de l'accouchement.
La France fait-elle exception dans le domaine de l'obstétrique ?
Oui, les autres pays européens et notamment la Grande-Bretagne favorisent bien plus la prise de position de la mère. En mai 68, les Françaises n'ont pas bataillé pour le droit de vivre la grossesse en harmonie avec leur corps. Les mouvements féministes associaient encore la maternité à une contrainte imposée par les hommes et l'avaient donc exclue de leurs revendications libertaires. En plus de ce "retard culturel", nos pratiques médicales sont peu ou mal évaluées, ce qui explique qu'elles perdurent malgré leur inutilité dans des bien des cas. Sans compter que certains professionnels de santé préfèrent encore tout décider eux-mêmes. L'acceptation d'un système de soin moins paternaliste qui laisse les patients donner leur avis requiert du temps ! Mais je suis sûre que cette fois nous sommes sur la bonne voie.
En savoir plus
Le site crée par Sophie Gamelin-Lavois : www.perinatalite.info
Le site de l'Alliance francophone pour l'accouchement respecté (AFAR) : www.afar.info